Feuille de personnage ▲ DANS MA SACOCHE: ▲ CAPACITES: ▲ DISPONIBILITE RP: Bring it on !
▲ MESSAGES : 775 ▲ POINTS D'INFLUENCE : 375 ▲ ÂGE : 28 ans ▲ RACE : Humaine ▲ STATUT SOCIAL : Baronne de Blackthorne, au sud-ouest de Balaïa ▲ LIEU : Principalement à Blackthorne, siège de la baronnie, mais on peut la trouver un peu partout (chasses, patrouilles, visites officielles...) ▲ METIER OU OCCUPATION : Régner sur un fief, c'est déjà pas mal ! ▲ ALLEGEANCE : Le Culte des Douze ▲ AVATAR & CREDITS : Avatar : Olga Kurylenko, par Mina-Ligeia. Sign : code Ms.Palmer, gifs tumblr, texte "The Waves Have Come" (Chelsea Wolfe). Thème : Anilah ft. Einar Selvik, "Warrior" / Osi & The Jupiter, Uthuling Hyl.
Les dernières heures de leur séjour approchaient. Dans le soir doux et paisible, Korina pleurait ses morts, au lieu de festoyer une dernière fois à la gloire de la nouvelle couronnée. Le jour du serment ne s’était pas déroulé comme prévu, ce n’était rien de le dire. Toute cette pagaille… En couvant d’un regard préoccupé la capitale encore illuminée, la baronne Ravran, qui avait délaissé ses vêtements et parures de cérémonie pour une tenue plus légère, croisait les bras sur sa poitrine d’un air fermé, sa chope d’étain presque vide à la main.
Les servantes préposées à leur service arrivèrent dans la pièce à vivre des quartiers réservés au noyau de la délégation de Blackthorne, les bras chargés de victuailles, tandis que le portier annonçait que le souper était prêt. Harleen remercia tout ce petit monde d’un ton un peu distrait. Mérit, manifestement très fatiguée par l’aide procurée aux soigneurs de la capitale, était déjà dans sa chambre, attenante à la pièce.
« Dois-je porter une assiette à votre sœur, votre seigneurie ? demanda l’une des servantes. - Laissez, je vais le faire. »
C’était Fendar. De telle manière que leurs gardes aient congé pour se remettre des éventuelles blessures de la veille, Harleen, qui devait demeurer avec les autres barons et la reine, avait ordonné qu’il reste personnellement auprès de Mérit afin d’être sûre qu’elle soit en sécurité (ou d’avoir quelqu’un à blâmer si ce n’était pas le cas), et il s’était bien évidemment acquitté de sa tâche avec honneur. Mais une telle attention la tira de ses contemplations et elle tourna vers lui un regard à la fois étonné et amusé. Il ne le vit toutefois pas, et revint très naturellement s’assoir à table. Sans mot dire, elle se joignit à lui, affichant toujours la même expression alors que dans son esprit germait une sorte de plan tordu.
Après un ou deux commentaires sur la qualité des mets, ou le fait qu’on devrait en rapporter un peu à Blackthorne où l’on n’en servait jamais de telle sorte, Fendar fut bien obligé de jouer le jeu et regarda à son tour Harleen en mâchouillant un genre de beignet aux épices.
« … Quoi ? »
Elle haussa les sourcils, buvant une gorgée de vin pour se donner un effet. Puis, enfin :
« Pourquoi est-ce que tu ne l’épouserais pas ? »
La question provoqua un rire spontané chez Fendar, comme s’il s’était agi d’une plaisanterie stupide. Mais à voir la mine d’Harleen, désormais un peu plus sérieuse et surtout insistante, il se sentit obligé de répondre, avec le malaise de quelqu’un qui se retrouve dans un piège à un moment complètement aléatoire.
« … Elle est beaucoup trop jeune, plaça-t-il d’une voix forte, qui se voulait conclusive. - Pfah ! Comme si ça t’arrêterait… »
Elle lui lança un regard entendu et, voyant qu’il ne levait pas le sien vers elle, fit mine de poursuivre son repas et la conversation comme si de rien n’était.
« C’est une femme depuis bien des années, et vous vous entendez comme un charme. »
Fendar voyait bien, à son petit sourire et à son ton presque encourageant, qu’elle voulait lui faire dire des choses qu’il ne pensait pas. Il leva les yeux au ciel, mâchant un morceau de viande avec agacement.
« Je ne passe pas les trois quarts de mon temps avec Mérit, pourquoi ai-je l’impression qu’elle n’est pas vraiment l’objet de cette discussion ? - Je te donnerais ma sœur si tu la voulais, pourquoi ai-je l’impression que tu te sens insulté ? »
Il déglutit, et pendant un instant, ils s’affrontèrent du regard.
« Elle est mon sang, Fendar, dois-je me sentir vexée ? - Tu joues à l’idiote. Je ne suis pas celui qui vexe. »
La réplique, cinglante, la désarçonna. Il faisait preuve d’un peu trop de résistance à son goût et Harleen commençait à se sentir à court de bons mots, ce qui la renvoya, sourcils froncés, à sa pièce de bœuf. Il eut l’impression d’avoir un peu outrepassé les limites de sa situation d’amant. Au bout d’une minute, cherchant à se remettre dans ses bonnes grâces, il tenta une nouvelle approche, en se penchant vers elle comme pour une confidence, parlant avec autant de sincérité et de douceur qu’il s’en savait capable.
« C’est toi que je veux, Harleen. - Eh bien moi je ne te veux pas. »
Elle avait asséné cette phrase avec une brusquerie qui fit passer un ange dans la pièce. Fendar, gêné et proprement cloué à son dossier, vissait sur son interlocutrice un regard à la fois incrédule (avait-elle vraiment eu l’indiscrétion de dire ça devant tout le monde ?) et blessé. Elle l’avait habitué à des réflexions du même ordre, mais moins brutales et surtout, exemptes de public ; son orgueil en prenait un sacré coup.
« Les Épreuves en décideront, et pour une fois, tu n’auras pas ton mot à dire. »
Le creux de sa main le démangeait furieusement : que ne pouvait-il de temps en temps administrer une bonne gifle à cette chienne pourrie-gâtée ! Il ne lui laissa pas le temps de répondre et jeta sa serviette sur la table, prenant congé d’un pas si visiblement énervé, que les servantes s’écartèrent de son massif chemin de manière à laisser un bon mètre de sécurité entre elles et le taureau piqué au vif. Harleen, momentanément très satisfaite d’elle-même, ne le regarda même pas sortir et afficha une mine égale, mangeant tranquillement le contenu de son assiette et commandant même, d’une voix impérieuse, un surplus de vin.
○+○+○
Toute la cavalerie était prête. Les affaires étaient rangées, chacun était juché sur sa selle, prêt à partir. Harleen avait même fait un petit extra en demandant qu’on paye les cuisiniers pour ramener quelques recettes ou plats conservables et typiques de la région, vers son opposée géographique. Sa fierté l’empêchait d’admettre que c’était un geste envers Fendar, mais elle espérait qu’il y verrait clair. Souhaitait-elle se faire pardonner de sa méchanceté de la veille ? Grands dieux non, répondrait son ego, elle admettait simplement qu’il avait raison et qu’il aurait été dommage de ne pas ramener un petit souvenir au baron-père, c’est tout. De toute façon, personne n’eut à entendre cette défense vaseuse, puisque, à part peut-être Mérit, personne n’avait été témoin de la querelle, ni ne se souciait en conséquence de savoir pourquoi on faisait ce genre d’emplettes. Et c’était parfait comme ça : « la baronne a dit, le reste suit. »
Celle-ci grimpa sur son palefroi, notant subrepticement que contrairement à son habitude, son guerrier ne chevauchait pas à son côté, mais à celui de Mérit voire légèrement en retrait, feignant d’être occupé par quelque consigne à transmettre à la garde arrière, ou elle ne savait quoi. Elle haussa les yeux, mais ne fit aucun commentaire et ordonna la marche.
Les heures et les étapes défilèrent pendant le temps nécessaire à traverser la bonne moitié du pays. On fit halte dans les baronnies voisines, on dîna aux nobles tables ou dans les auberges, et plus les kilomètres défilaient, plus Harleen se sentait crétine.
Déjà, lors du couronnement de la reine, elle s’était donnée en spectacle en produisant un geste totalement absurde : menacer une haute personnalité du fil de son épée. Tout ça parce qu’elle n’avait pas supporté les mots du Grand Inquisiteur, et encore moins le fait que des hommes en armes appartenant à la Couronne soient prêts à suivre ses ordres, encore une fois contre quelqu’un qui n’avait que des mots de vérité pour offense. Puis elle avait passé une matinée entière à se sentir ridicule et à se préparer pour s’amender de cette bavure, et nul besoin d’expliquer à quel point devoir des excuses comme une enfant qui a cassé un jouet lui faisait monter la moutarde au nez – surtout vu les circonstances. Elle l’avait fait sans rien dire pare qu’elle considérait que c’était bien peu cher payé, mais ça ne l’empêchait pas de se sentir un peu humiliée (par sa propre faute, ce qui était encore pire, car elle aurait pu l’éviter). Et enfin il y avait cette bataille de chiffonniers avec Fendar. Elle durait depuis des années et plus celles-ci passaient, plus c’était grotesque. Bon sang, ils n’étaient plus des enfants ! Et cette fois en particulier, elle avait été particulièrement mauvaise. Elle avait honte de s’être donnée en spectacle devant le personnel du Palais de Feu de cette façon, maintenant qu’elle y songeait. Honte surtout, parce que c’était la deuxième fois en deux jours qu’elle se faisait avoir par l’explosivité de son tempérament. Avec le guerrier, c’était pire depuis la mort de Neerath.
Elle avait été à bonne école avec sa mère, c’était certain. Mais sa mère avait Erik pour aplanir son caractère mordant. Et pour Harleen, le manque de sa jumelle se faisait d’autant plus cruellement sentir que, lorsqu’elles étaient ensemble en visite officielle, c’était elle qui parlait parce qu’elle avait un don pour ça. C’était elle qui donnait le la à Harleen, qui la guidait dans la manière d’aborder les personnes et qui l’aidait, ainsi, à faire valoir son opinion propre sur tel et tel sujet. Elles n’étaient pas toujours d’accord, mais en présence de Neerath, jamais Harleen n’avait commis d’impair. Et Neerath se sentait plus forte avec elle, de sorte qu’elles finissaient toujours par s’exprimer d’une même voix, l’une sachant de quoi elle voulait parler, et l’autre sachant quand et comment le faire. La baronne se sentait en déséquilibre complet, et elle n’avait aucun doute sur le fait que ce qu’elle avait perdu, elle ne le recomposerait pas avant longtemps.
« Est-ce vraiment ce que je vais devenir ? » La question lui rongeait les méninges, comme si elle n’avait pas déjà suffisamment de raisons de dormir exécrablement depuis un an. Son regard, souvent, s’était porté vers Mérit, comme pour y trouver une réponse, mais sans mettre au jour ses angoisses, elle ne pouvait rien trouver.
Elles passaient tout juste la frontière de la baronnie lorsque, rapprochant son cheval de celui de sa sœur, elle lui adressa la parole – d’abord par des broutilles, puis finalement pour en venir au fait.
« Lorsqu’on sera au château, j’aimerais te parler en privé après le souper. »
○+○+○
Le dit souper fit grand effet à Blackthorne. La quasi-totalité des spécialités korinaises y passa, tant elles eurent de succès. Tout le monde fêtait avec entrain le retour de la délégation et le renouvellement de l’alliance de la baronnie avec ses consœurs, sous l’égide de la Couronne. Erik ne tarissait pas de questions au sujet de leur séjour, de la route, et de tous les détails, mais Harleen laissait bien volontiers Mérit lui répondre la plupart du temps. Elle s’était défaussée dès leur arrivée en prétextant être éreintée pour reporter le rapport des événements au lendemain, et en demandant qu’on ne s’attarde que sur les beaux aspects du voyage d’ici là. Fendar passait apparemment une excellente soirée en compagnie des autres guerriers et guerrières, se plaisant à faire état de sa science toute fraîche de la gastronomie des jours de fête à Korina. Harleen n’eut pas le cœur à gâcher son enthousiasme et avoua que c’était son idée de ramener toutes ces merveilles. Elle ne chercha même pas à connaître sa réaction vis-à-vis de cela, et termina le repas un peu plus tôt que tout le monde.
Mérit la rejoignit bientôt dans ses quartiers. Elle la trouva assise près du feu de cheminée, le regard un peu perdu dans les flammes et une chope de vin à la main. Après un instant la baronne posa son verre et se leva, invitant sa sœur à prendre place dans l’autre fauteuil, presque en face du sien.
Harleen souriait, mais c’était effectivement un sourire assez peu joyeux.
« Alors, commença-t-elle après avoir servi un peu de vin à Mérit, qu’est-ce que tu penses de cette visite ? Je veux dire, en passant les jolis détails, cette fois. Sois franche. »
S’asseyant à nouveau, elle entreprit de vider lentement sa propre chope.
Ce Jour du Serment avait été un des jours les plus éprouvants pour Mérit. Pas vraiment émotionnellement parlant, mais plutôt par la tension constante et palpable qui avait finit par éclater et faire dégénérer la situation. Il y avait eu des dégâts, des blessés et malheureusement le sang avait coulé, laissant des corps sur la place à leur départ. En plus de tout ça, ce qu’elle avait tant redouté depuis leur départ de Blackthorne était arrivé. Elle avait eu une vision. Une nouvelle. Rien de bien étonnant à qu’en fin de journée, Mérit décline à partager le dernier repas à Korina avec les siens et même avec quiconque. La benjamine Ravran passa sa dernière soirée dans la pénombre de sa chambre avec pour uniques compagnes la solitude et les bribes de cette dernière vision.
Cette nuit-là, Mérit ne trouva pas le sommeil. Elle tenta tant bien que mal de comprendre cette différente vision. Etait-elle liée à cette vision du monde mis à feu et à sang ? Etait-ce peut-être le début de celui-ci ? Après tout, l’élément brûlant était encore présent. Et ce regard… Mérit en frissonnait encore. C’était l’image la plus clair qui lui était restée à l’esprit et il désignait très clairement un œil animal. De créature mythique… Un dragon. Mérit n’en avait jamais rencontré, ces derniers étant supposément éteints. Beaucoup de Balaïens pensent même qu’ils font juste partie des légendes et qu’ils n’ont jamais existé. Mérit connait leur histoire étroitement liée à celle des Douze et pour elle, les dragons existent bel et bien. Physiquement, elle n’a vu que des ébauches et des dessins d’illustrations dans les livres. Ce regard reptilien ressemblait beaucoup à ces dessins… Etait-ce une mise en garde des Dieux ? Son Don servait-il à ça ? Plus Mérit y réfléchissait, plus les questions se multipliaient sans aucune réponse ; juste un mal de crâne de plus en plus persistant qui allait à peine s’apaisait le lendemain…
¤¤¤
Enfin le retour à la maison. Mérit avait été contente de faire partie du voyage, de découvrir Korina et d'avoir un aperçu de ce qui attendait Harleen dans son rôle de baronne, même si elle se serait bien passée de tout ce dérapage et d’y gagner une nouvelle vision. La petite clochette des bois avait peut-être le sourire aux lèvres pour ne rien laisser paraître, mais elle n’était clairement pas en forme. Normale après une nuit blanche, une migraine qui menaçait de revenir au galop et à veiller encore plus que d’habitude à que personne ne la touche et vice-versa. Du coup, son acuité et observation habituelle étaient mises à mal. Mérit ne nota rien de particulier ni au comportement ni aux ordres de sa sœur et de Fendar.
Pendant tout le voyage, Mérit était comme absente. Pas que se fut une attitude étonnante de sa part, ça lui arrivait souvent, mais cette fois-ci c’était différent. Quiconque qui avait l’habitude de la côtoyer le verrait tout de suite. Ce n’était pas une absence dû à sa connexion avec son environnement naturel et à être dans son petit monde. C’était une absence fantomatique, fatiguée, comme si on avait puisé toute son énergie. Elle se rongeait les sangs et se renfrognait sur elle-même sur sa monture alors que personne ne pouvait l’atteindre où elle était. Elle suivait le troupeau comme un petit mouton apeuré. Mérit ne prêtait tellement pas attention à ce qui se passait autour d’elle –son esprit étant ailleurs, toujours à penser, à chercher à comprendre cette vision et à savoir quoi faire- qu’elle sursauta lorsque Fendar –chevauchant pourtant à ses côtés depuis déjà un bon bout de temps depuis qu’ils avaient quitté Korina – avait enfin décidé de lui adresser la parole pour lui demander si tout aller bien. Heureusement qu’il était là d’ailleurs, car le cheval de Mérit fut tout aussi surpris du soubresaut de sa maîtresse et aurait manqué de s’affoler si Fendar n’avait pas attrapé et serré fermement les rênes pour le calmer.
« Ou… oui, ça va. » bredouilla-t-elle d’une voix pas du tout convaincante. « Juste un manque de sommeil. La nuit dernière a été plutôt courte. »
Fendar ne demanda pas plus de justification que cela, même si son regard en disait long. A force d’être surveillé par lui, Mérit connaissait son comportement tout comme lui et elle su donc tout de suite qu’il la croyait, mais qu’il savait très bien qu’il y avait anguille sous roche. Il n’insistait jamais avec elle, mais était toujours là, quelque part, à veiller sur elle, tout simplement parce qu’elle était la sœur d’Harleen et espérait gagner ses faveurs. Il resta donc pas trop loin, au cas où son cheval s’agite à nouveau, soit disant. Au moins, Mérit fut reconnaissante qu’il reste en retrait et n’essai pas d’en apprendre d’avantage. Il lui laissa de l’espace et le silence dont elle semblait tant avoir besoin pour le moment. Néanmoins, celui-ci ne dura que jusqu’au dépassement de la frontière. Foulant enfin leur terre, Mérit fut de nouveau approchée. Par sa sœur. Cette fois-ci, Mérit vu venir la personne et se tendit immédiatement, redoutant tout de suite ce qu’elle allait dire. Leur relation n’était pas celle qu’on pouvait s’attendre entre sœurs et elles ne s’approchaient que peu de fois, même si ça avait évolué depuis la tragédie de l’année dernière. Mérit n’avait pas peur de sa sœur. Elle avait peur de ce qu’elle avait peut-être pu voir, pu savoir et de ses réactions si elle savait. Donc lorsque son aînée vint au but et lui demanda de discuter en privé avec elle après le souper, Mérit acquiesça bien sûr, mais au fond sa nervosité quadrupla.
Jusqu’à ce rendez-vous, Mérit ne pensa plus qu’à ça. Se demandant pourquoi Harleen voulait lui parler en privée. Aucun doute, ça avait un rapport avec le Jour du Serment, mais avec quoi précisément ? Avait-elle noté son trouble ? Pour son Don… Avait-elle deviné ? Mérit n’en savait rien et c’est ce qui l’angoissait. Elle avait bien essayé à plusieurs reprises d’en discuter avec Harleen, son père et même à Fendar, mais rien à faire. Elle ne trouvait jamais le bon moment et encore moins les bons mots. Même si Erik la calma et la détendit lorsqu’ils rentrèrent au château, celui-ci ne réussit pas à ôter son angoisse. Comment y arriver sans même savoir de quoi il s’agissait ? C’est donc avec la boule au ventre que Mérit se présenta dans les quartiers d’Harleen. Même si cette dernière se leva, la simple vision de sa soeur assise entrain de tranquillement siroter un verre de vin fut suffisante pour l’intimidée d’avantage. Elle ne pouvait quand même pas rester au bas de la porte. Prenant une grande inspiration, Mérit s’avança lentement et sûrement vers le fauteuil libre dans lequel on avait l’impression qu’elle s’enfonçait tellement elle était petite, menue et peu confiante. D’ailleurs, ses doigts étaient subtilement dissimulés sous le fin gilet de laine que Mérit portait pour ne pas prendre froid, la température se rafraîchissant encore lorsque la nuit tombait. De cette façon, l’entrelacement ainsi que le tremblement de ses doigts passés inaperçus.
Le verdict tomba. Harleen brisa le silence. Une légère et fugace incompréhension pu se lire dans les yeux de Mérit. Elle voulait juste avoir son avis sur ce qui s’était passé ? Depuis quand le faisait-elle et depuis quand son avis l’intéressait ? Mérit avait de quoi se poser des questions lorsqu’on connaissait le passé et la relation entre les deux sœurs. Etait-ce juste une entrée en matière avant de discuter du sujet qu’elle voulait réellement aborder ? Mérit ne pouvait pas le deviner avec certitude, mais elle n’arrivait pas à croire que son aînée l’avait faite demander juste pour avoir son avis. M’enfin, Mérit pouvait ne pas toucher à son verre de vin, mais elle ne pouvait pas se permettre de ne pas répondre. Elle prit donc, certes, son temps, mais parla avec toute franchise.
« J’aspirais à plus de temps, de calme et de sérénité que de conflits et de violence même si c’était prévisible. Je considère qu’il aurait fallu discuter des problèmes à huit clos avec la reine et non sur la place publique. Cela aurait peut-être pu nous permettre d’obtenir une audience seule avec elle pour... mieux discuter et plaider la cause du culte des Douze et sa réhabilitation. Je n’ignore pas qu’il s’agit d’un sujet délicat, mais avec de meilleures prédispositions j’avais espéré qu’on aurait l’opportunité d’une oreille attentive. Après tout, il n’y a rien de mal à discuter, mais un autre problème s’est présenté. Je n’ai pas apprécié et n’ai pas trouvé judicieux l’intervention du Baron Fran, même si je désapprouve totalement les actes du Grand Inquisiteur et des siens. »
Mérit prit une petite pause, se souvenant un peu trop bien à son goût du regard de cet homme sur elle et sur Harleen. Elle osa par la suite enfin lever ses yeux vers Harleen et la regarder dans les yeux.
« Il ne pardonnera et ne permettra plus aucun affront. Aucun écart. J’ai croisé son regard sur nous... Il n’a rien accepté du tout comme le pense peut-être notre reine. Je… Je crains qu’il n’attende la première occasion pour no… te tomber dessus. »
Et aussi sûr elle s’il venait à apprendre qu’en plus d’être du culte des Douze, Mérit était doublement une hérétique en possédant un don que le Grand Inquisiteur prendrait sûrement pour de la magie noire incontrôlable puisque Mérit n’avait aucun contrôle dessus. Non, vraiment, la cérémonie s’était peut-être calmée à la fin, mais au final tout lui semblait être pire et plus dangereux qu'en arrivant. Probablement qu’elle avait ce sentiment aussi à cause de sa dernière vision.
« Je finirais par dire que cette visite n’a pas été un complet désastre, mais… Je crains que malgré tout les choses aient ou vont empirer. »
Mérit baissa la tête en signe de soumission. Elle donnait son avis. Celui-ci pouvait être totalement erroné, car finalement Mérit assistait pour la première à une réunion comme celle-ci. Elle ne connaissait pas vraiment les ficelles du métier et pouvait être facilement impressionnable, même si c’était tout autre chose qui l’impressionnée et l’inquiétait constamment.
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La nervosité émanant de Mérit électrisait l’air ambiant ; même quelqu’un de moins attentif et de moins habitué que sa sœur aurait su le percevoir. Harleen le comprenait. Bien qu’elle se sentit lasse en cet instant, elle n’en voulait pas à sa sœur de faire planer dans la pièce une atmosphère de malaise, parce qu’elle savait déjà que c’était ce qu’elle lui inspirait toujours plus ou moins – en tout cas, suffisamment souvent pour qu’elle s’y soit attendue. Elle ne tenta pas pour autant de la rassurer par un effort de douceur qui n’aurait pas été naturel. D’aucuns la jugeraient négativement par cette attitude rude par défaut, mais ceux-là n’en savaient pas assez sur elles pour comprendre leur distance. Et elle avait appris à faire fi de ces avis, d’ailleurs elle ne se considérait pas « rude », mais juste honnête, et c’était déjà une forme de respect que de ne pas se cacher derrière des abords trop chaleureux, selon elle.
Mérit avançait dans l’exposition de son ressenti, comme Harleen le lui avait demandé, mais au lieu de parler de son impression au sujet des autres intervenants (à l'exception d'Edric Fran et du Grand Inquisiteur), elle restait très factuelle et c’était à prévoir. Au moins ne cachait-elle pas que les raisons de la mauvaise tournure qu’avait pris l’événement aurait pu être évité, d’après elle, si certaines erreurs facilement évitables n’avaient pas été commises.
« Tu es clairvoyante, c’est une belle qualité. Je regrette moi aussi que le baron Fran ait fait ce choix de provoquer la réaction du peuple en plus de celle de notre cercle et de la reine, sans parler de ce… du Grand Inquisiteur. »
Elle ne doutait pas que sa sœur partage son inimitié envers le chef de l’Ordre, mais elle se retint d’aller trop loin dans ses propos. Sans trop savoir pourquoi, en vérité. Peut-être parce qu’elles n’étaient finalement pas si familières l’une de l’autre, et qu’elle ne savait pas se laisser aller à cette aspect un peu fruste de sa personnalité en la présence unique de sa sœur, si réservée.
« Mais je n’ai pas été un modèle de contenance et je ne peux pas me permettre de le blâmer tout à fait. Je ne sais d'ailleurs pas si j'aurais résisté à l'envie de faire la même chose, si j'étais comme lui concernée de si près par la cause des mages. Je suis navrée, d’ailleurs, si ma réaction t’a embarrassée. »
Ses yeux ambrés étaient remontés des flammes vers ceux, couleur de givre, de sa petite sœur.
« Je n’ai que faire des sentiments du Grand Inquisiteur, qu’il se soit senti insulté et ait pu craindre pour sa vie ne serait-ce qu’une poignée de secondes me ferait même le plus grand plaisir… si ça ne risquait pas d’avoir des conséquences sur toi ou les nôtres. Mais c’est ce dernier point qui… m’inspire une certaine honte, et à toi je peux l’avouer. C’est d’abord à toi que je dois des excuses, pas à d’autres. »
Elle baissa les yeux et enfouit son nez dans sa chope, buvant une grande lampée. Non, ça ne lui était pas facile de prononcer de telles paroles, mais elle se devait de le faire parce qu’elle avait pris conscience de certaines choses durant ce voyage, et sa propension à ne jamais s’excuser pour les maux gratuits qu’il lui arrivait d’infliger en faisait partie. Sa responsabilité dans plusieurs des aspects malheureux de cette excursion lui était apparue sous un jour très peu flatteur.
« Mais pour en revenir à l’anticipation, oui, c’est évident que nous sommes encore moins dans les bonnes grâces de l’Ordre maintenant. Mais je ne crois pas que ça change grand-chose, dans les faits. Leurs molosses ont toujours leur petit bout de terrain sur notre lande, et ils continuent à courir nos routes et nos sentiers pour dénicher ceux dont ils sont tout heureux de verser le sang – et je ne peux toujours rien y faire. »
C’était de notoriété publique dans la baronnie que, lorsqu’elle régnait avec Neerath, Harleen avait fait passer le mot parmi les guerriers et chasseurs de la baronnie, comme quoi toute interpellation de supposés mages par l’Ordre dans les limites du fief devait être justifiée par une preuve, sans quoi la justice locale considérerait l’exécution de l’individu comme un meurtre pur et simple. Mais la baronne n’avait pas le droit de condamner à mort les inquisiteurs sur cette accusation, tout au plus pouvait-elle les livrer à un tribunal de la Couronne ou les enfermer dans une geôle (et s’attirer des problèmes, ce qu’on avait jusque-là évité). Suite à cela, ils étaient d’ailleurs devenus plus discrets, et probablement les mages ne se sentaient-ils pas assez protégés et continuaient-ils à se cacher ou à chercher asile ailleurs. En somme, tout ce qu’elle avait réussi à faire, c’était atténuer le problème jusqu’à le rendre quasi invisible, sans pouvoir garantir qu’il avait disparu. L’Ordre était protégé par la Couronne, la baronnie obéissait à la Couronne, voilà quelle était la vraie frontière entre la réalité et ce qu’elle devrait être.
« D’un autre côté, eux non plus ne peuvent toujours rien faire pour nous empêcher de respecter notre culte et nos traditions. Crois bien que là-dessus, rien ne bougera. On continuera à festoyer pour les fêtes des Douze, nos temples seront toujours entretenus et nos prêtres subventionnés, et les grosses malles bien pleines d’or de l’Ordre n’ont qu’à lui suffire pour en faire autant de ses églises et de ses bonimenteurs. »
Elle y croyait dur comme fer. Même si le Grand Inquisiteur faisait pression sur la baronnie et sa manière de gérer les affaires religieuses, elle tiendrait tête fermement pour protéger son peuple et son histoire. Elle était prête à utiliser ses propres leviers dans une confrontation, quitte à ce que ce soit sous le regard de la reine lors d’une audience. Mais tout cela n’était que politique. Et elle avait senti, dans l’inflexion du ton de Mérit, que celle-ci redoutait plus une vengeance individuelle de la part du premier de leurs ennemis. Plongeant à nouveau son regard dans le sien, Harleen affirma d’une voix sûre :
« Quant à nous viser directement, il ne faut pas trop t’inquiéter. Leur position est peut-être forte mais je reste persuadée que ce n’est pas du tout le bon moment pour eux. Si quelque chose devait être ourdi pour attenter à ma vie ou à la tienne, ou même à celle de père, ce serait une manœuvre idiote et bien vite désespérée. Ce ne pourrait que pointer en leur direction, ce qui est un danger pour eux, et par ailleurs, ils nuiraient à leur propre image au regard de leurs alliés : un coup de ce genre contre une personne de pouvoir est un aveu de faiblesse, de crainte. Ça ne joue pas en leur faveur. »
Elle se servit à nouveau du vin.
« Et puis ce serait se mettre un couteau sous la gorge. Si l’un de vous mourait, je tuerais pour le venger, et je suis persuadée que père ferait de même, de sa main ou d’une main de confiance. L’Ordre affectionne peut-être la violence mais il sait qu’il n’est pas intouchable. »
Une gorgée roula dans son gosier. Elle avait un peu perdu la notion de modération face à la boisson depuis un an, et ne se rendait pas vraiment compte qu’une très légère ébriété commençait à poindre, affectant la retenue de ses invectives. Elle était parfaitement sûre d’elle et la signification de ses phrases était réellement voulue, et se moquait de savoir si, de l’extérieur, on la trouvait bravache.
« Quoi qu’il en soit… Mérit. »
Elle reposa sa chope sur le guéridon entre leurs deux fauteuils, joignit ses mains sur ses genoux et se pencha vers sa sœur.
« J’ai demandé que tu viennes avec moi parce que Blackthorne avait toujours été représentée par deux femmes, voire trois pour mère, lorsque Neerath était là. »
Elle déglutit, malgré elle. Prononcer son nom et parler au passé, sans buter contre ce que cela signifiait, était toujours compliqué malgré les efforts.
« En vérité c’est parce que la baronne est toujours accompagnée de celle qui devrait lui succéder. Alors, je sais, c’est étrange dit comme ça, mais… Ce qu’il s’est passé, ces trois jours à Korina… Je crois que je ne peux pas y arriver toute seule. »
Ses doigts chassèrent une mèche de cheveux de son front tandis qu’elle cherchait, les yeux scrutant maladroitement le sol, une manière à peu près acceptable de parler de tout cela sans s’y perdre. Chose rare, mais trahissant irrémédiablement une difficulté pour elle d’exprimer clairement ce qu’elle pensait, elle commença à lier des gestes au verbe.
« Neerath et moi… enfin, tu la connaissais, tu sais comment elle et moi nous étions euhm… complémentaires, et… En fait, il y a toutes ces choses qu’elle parvenait à faire, son comportement, sa vision des choses, son aisance avec les gens et cette façon qu’elle avait de deviner comment marche leur esprit… Je n’ai jamais su faire tout ça, et je n’ai pas cherché à apprendre parce que… »
Parce qu’elle n’avait jamais pensé que Neerath ne serait plus là. Aussi idiot que ça puisse paraître, c’était comme si elle avait cru que sa tendre jumelle ne mourrait jamais.
« Et même si vous êtes deux personnes très différentes, toi tu… tu sais ressentir les autres, enfin, tu comprends ? Je pense que tu sais comprendre leurs émotions et la manière d’y réagir, mieux que moi en tout cas. J’ai beau essayer parfois, les seuls moments où j’ai cette sensibilité, c’est lorsque… je dois me battre, pour défendre ou pour tuer. »
Elle aurait voulu se cacher le visage dans les mains, en se rendant subitement compte à quel point elle se sentait humiliée par cet aveu. Finalement, elle n’était rien d’autre qu’un prédateur sauvage enfermé dans un corps de baronne, et c’était à se taper le front contre un mur de devoir concilier les deux. Mais elle se fit violence encore une fois, parce qu’elle avait l’impression que c’était nécessaire. Il y avait des choses dans lesquelles elle était douée, mais le jeu d’échecs qu’étaient les rapports humains dans la société, voilà précisément un exemple où elle brillait par sa gaucherie.
« Bref je… je sais que je n’ai pas souvent été juste avec toi, ni montré ma reconnaissance de tes qualités. Mais je sais qu’elles sont là, et j’aimerais qu’on arrive à… »
Elle ne trouvait pas de mot approprié. Communiquer ? Marcher ensemble ? S’entendre ? Être sœurs ?... Tout n’était qu’atténuation ou exagération de ce qu’elle envisageait comme possible. Plongeant son regard dans celui de Mérit, elle laissa distraitement ses mains se joindre, doigts entrelacés. Un mime qui traduisait peut-être mieux son idée que n’importe quel vocabulaire, et qui tomba sur ses genoux, mal soutenu par le sentiment de gêne qui courait sur sa peau.
« J’ai besoin de toi. Mais, sans vouloir parler à ta place, je me doute que c’est… que je t’avais habituée à… autre chose. Et que tu n’auras pas forcément envie de porter autant de responsabilités. Mais si je te le demande c’est d’abord pour le bien de la baronnie. »
Elle attrapa son gobelet en étain avec un soupçon de nervosité, et, se reportant vers le dossier de son fauteuil, leva le doigt.
« Une dernière chose avant que tu répondes. »
Buvant une gorgée, elle fronça vaguement les sourcils.
« Fendar m’a dit deux ou trois fois que tu ne semblais pas bien depuis un moment. Je l’ai remarqué moi aussi. Je pense que c’est le moment d’en parler si tu as quelque chose à dire. »
Effectivement, son propre sac vidé, elle en espérait autant de sa cadette, et ne perdait pas de vue que, malgré son intention sincère de la prendre en quelque sorte comme seconde, elle pouvait être amenée à orienter cette décision en fonction de ce que Mérit aurait à lui narrer.
Des excuses. Sa sœur s’excusait de son comportement et auprès d’elle d’abord ? Si Mérit n’était pas déjà assise, elle serait probablement tombée sur son siège. Avait-elle manqué quelque chose ? Sa sœur n’avait pas pour habitude de s’excuser auprès d’elle, même si elle aurait effectivement préférée qu’Harleen ne réagisse pas lors de la cérémonie, c’était uniquement parce qu’elle avait craint qu’on s’en prenne à elle et des conséquences. Finalement, les choses c’étaient plus ou moins bien calmées, mais Mérit n’en revenait pas de ce qu’elle venait d’entendre. Elle prit même une gorgée de son verre de vin. Elle en avait bien besoin en fin de compte. Pourquoi avait-elle donc le pressentiment que les surprises ne faisaient que commencer ?
En tentant d’ignorer ses intuitions et tout en savourant le vin, Mérit écouta les mots de sa sœur silencieusement et avec attention. Elle fut rassurée d’apprendre son opinion sur l’Ordre, même si ça n’arrangeait rien à la situation de leur peuple, elle ne pouvait que se rendre à l’évidence qu’il serait effectivement stupide de la part de l’Ordre et du Grand Inquisiteur de s’en prendre à eux. Directement en tout les cas. Et puis, ils avaient d’autres chats à fouetter… Ses traits se détendirent enfin, effet de l’alcool ou des paroles de sa sœur, dans tout les cas, Mérit préféra poser de nouveau son verre sur la table basse, en même temps que sa sœur qui prit une position qui alerta Mérit. Par réflexe, elle s’enfouit un peu plus sur son fauteuil et ne quitta pas des yeux Harleen.
La jeune Ravran beaucoup de mal à dissimuler sa surprise en entendant sa sœur. Elle lui avouait ne pas pouvoir gérer le pouvoir et le rôle de baronne toute seule ? Comment Mérit pouvait-elle prendre ça sans être surprise et déstabilisée ? Elle n’avait jamais vu sa sœur lui faire des confidences ! Et Mérit n’était pas bête. Elle commençait à comprendre ce que sa sœur voulait lui dire ou, plutôt, commençait-elle à craindre et à comprendre exactement là où elle voulait en venir. Harleen ne plaisantait pas. Elle ne se moquait pas d’elle –et cela aurait plutôt était le genre de Neereath –, Mérit pouvait s’en persuader rien qu’en observant ces gestes et son regard passager vers le sol.
« Neerath et moi… enfin, tu la connaissais, tu sais comment elle et moi nous étions euhm… complémentaires, et… En fait, il y a toutes ces choses qu’elle parvenait à faire, son comportement, sa vision des choses, son aisance avec les gens et cette façon qu’elle avait de deviner comment marche leur esprit… Je n’ai jamais su faire tout ça, et je n’ai pas cherché à apprendre parce que… Et même si vous êtes deux personnes très différentes, toi tu… tu sais ressentir les autres, enfin, tu comprends ? Je pense que tu sais comprendre leurs émotions et la manière d’y réagir, mieux que moi en tout cas. J’ai beau essayer parfois, les seuls moments où j’ai cette sensibilité, c’est lorsque… je dois me battre, pour défendre ou pour tuer. »
Non… Non… Mérit comprenait, mais aurait préféré ne pas comprendre. Comme Harleen le disait, Neerath et elle étaient très différentes, mais Mérit ne pouvait pas nier le fait que des trois sœurs elle était la plus observatrice, la plus empathique et la plus posée si l’on pouvait dire lorsqu’il y avait du monde. Mais elle n’avait pas du tout l’aisance de Neerath en société, en communication et disons-le, en gestuelle ! Mérit faisait d’ailleurs tout son possible pour s’éloigner des personnes et encore plus depuis la mort de Neerath. Elle refusait tout contact à cause de ses visions dont elle n’avait parlé à personne… L’espace d’un instant, l’esprit de Mérit se brouilla. Tant bien qu’elle perdit un peu le fil des paroles d’Harleen. Ses inquiétudes étaient entrain de submerger son cerveau en même temps que ses doigts se crispaient de plus en plus sur les accoudoirs du fauteuil. Jusqu’à que la flèche atteigne son but.
J’ai besoin de toi.
Un clignement de paupières. Une larme qui s’écoule sur la joue de Mérit, inconsciemment. Après tant d’années à être écartée, mise de côté, moquée et mal aimée, sa sœur –la seule désormais- lui disait des mots qu’elle aurait et avait tant eu besoin et voulu entendre des années plus tôt. Hormis elles et leurs proches, personne n’aurait compris la réaction de Mérit. C’était un vrai chamboulement d’émotions pour elle et également pour Harleen qui savait mieux contrôler ses émotions qu’elle. Mais elle savait que tout ceci était bien réel et sincère, car elle connaissait un minimum sa sœur pour savoir que rien de tout ceci ne serait arrivé si elle ne le pensait et ne le souhaitait pas vraiment. Elle lui demandait de l’aide… D’être… D’être plus proches. D’être peut-être enfin sœurs.
Mérit bredouilla quelques sons au lieu de paroles avant qu’Harleen lui dise qu’elle avait quelque chose à ajouter. Alors qu’elle buvait, Mérit en profita pour s’essuyer la joue et inspirer profondément, ses yeux passant de la fenêtre au sol, hésitante et ne sachant que dire avec ce flot d’émotions qu’Harleen avait ravivé. Cela faisait bien longtemps que toute colère et ressentiment s’étaient envolés, surtout depuis la mort de Neerath, mais les liens entre les deux dernières sœurs étaient encore délicats et quasi-inexistant. Changer cela prendrait beaucoup de temps et ce ne sera pas facile… Mais Mérit ne pouvait pas dire qu’elle ne le souhaitait pas, c’était toujours ce qu’elle avait voulu et espéré, un rapprochement. Harleen faisait pour la première fois le premier pas, elle ne pouvait pas la repousser même si Harleen l’avait fait à de nombreuses reprises. Sauf que… Comment sa sœur allait-elle réagir en apprenant pour son don ? En apprenant comment elle l’avait découvert ? En sachant qu’elle était inutile, car malgré sa toute première vision, elle n’avait pas vu le visage de l’assassin de leur sœur ? Lui en voudrait-elle ? Cette proposition tiendrait-elle toujours ? Harleen comprendrait-elle ? Trop de questions sans réponses qui ne firent qu’augmenter la nervosité et la peur de Mérit, qui se lisaient désormais dans ses yeux humides.
« Fendar m’a dit deux ou trois fois que tu ne semblais pas bien depuis un moment. Je l’ai remarqué moi aussi. Je pense que c’est le moment d’en parler si tu as quelque chose à dire. »
Une nouvelle fois, seulement un son réussit à sortir de sa bouche. Un léger rire qui n’en était pas réellement un. Un rire nerveux empli de peur qui exprima très bien comment elle se sentait en ce moment même. Fendar avait encore trop parlé. Il ne savait rien, mais il la surveillait et protégeait, il savait d’ailleurs pour ce magicien qu’elle avait soigné… D’un bond, sans oser une seule fois regarder Harleen, Mérit se leva et malgré le tremblement de ses membres, elle s’empressa d’avancer jusqu’à la fenêtre et de l’ouvrir. Le vent glacial sur sa peau lui fit le plus grand bien. Rien de tel pour se calmer net et respirer lorsqu’on avait la sensation de manquer d’air. Mérit avait le choix… Elle pouvait ne rien dire, mais n’est-ce pas là le moment quel avait tant cherché sans jamais le trouver pour lui révéler enfin tout ? Après de longues minutes silencieuses où seul le crépitement du feu de cheminée et le vent entrant éveillaient la pièce, peu confiante et toujours à fleur de peau, Mérit ferma la fenêtre. Les mains sur la poignée, dos à Harleen, elle brisa le silence ambiant avec une voix légèrement enraillée.
« A… Avant tout… Sache que je suis touchée par ce que tu viens de dire et… De ton geste. Du courage que tu as eu pour venir vers moi, le dire et… de me faire confiance. » Ses mains tremblantes trouvèrent refuge sur les mailles de son gilet. « Merci… mais j’ignore si tu te confies et le propose à la bonne personne. Il y a bien quelque chose… Je n’ai jamais réussit à trouver le bon moment, même… même avec père… et je ne sais toujours pas ni comment ni pourquoi moi… Par… par quoi commencer… Je… »
Mérit soupira. Elle était entrain de s’embrouiller. Harleen n’allait rien comprendre à ce rythme-là. Elle ne savait vraiment pas par quoi commencer, mais il allait falloir qu’elle trouve. Même si c’était brouillon. Prenant son courage à deux mains, comme un petit animal chétif Mérit se tourna enfin vers Harleen.
« Je ne suis pas bien depuis la cérémonie, car… car j’ai vu quelque chose. Quelque chose que personne n’a vu et… Ce n’est pas la première fois… La première… C’est arrivé après que Ne… Neerath. Tu te souviens les jours qui ont suivis où tu n’arrivais à parler à personne ? Que tu m’as repoussé pour la énième fois ? La fois où j’ai quitté Blackthorne et que Fendar m’a ramené inconsciente à la nuit tombée ? Je… Je ne me suis pas vraiment évanouie parce que je me suis cognée la tête comme je vous l’ai dit. En faite, je… Je t’ai vu toi et Neerath. Le… Ce jour là… J’ai tout vu comme… Comme si j’y étais. »
Au fur et à mesure que Mérit tentait d’expliquer et de raconter ce qu’elle avait vu pour qu’Harleen la croit, les larmes s’échappaient de plus en plus des yeux de la petite Ravran. Elle du se mordre la lèvre pour ne pas éclater en sanglot.
« Je… je suis désolée… je… je n’ai pas vu qui… Qui c’était… tout, tout est… était si flou et rapide… je… Je ne contrôle pas. Ça… ça arrive tout seul. Un lieu. Une odeur ou… ou le simple touché... Je ne sais pas comment... C'est aléatoire et... Je ne sais pas... »
Le sanglot finit par l'emportée. La peur de plus en plus intense, Mérit se persuadée que la chance de se rapprocher de sa soeur disparaissait à mesure qu'elle lui confiait ce lourd secret qu'elle avait caché et supporté seule depuis son apparition. Elle allait encore plus être reniée et repoussée.
Feuille de personnage ▲ DANS MA SACOCHE: ▲ CAPACITES: ▲ DISPONIBILITE RP: Bring it on !
▲ MESSAGES : 775 ▲ POINTS D'INFLUENCE : 375 ▲ ÂGE : 28 ans ▲ RACE : Humaine ▲ STATUT SOCIAL : Baronne de Blackthorne, au sud-ouest de Balaïa ▲ LIEU : Principalement à Blackthorne, siège de la baronnie, mais on peut la trouver un peu partout (chasses, patrouilles, visites officielles...) ▲ METIER OU OCCUPATION : Régner sur un fief, c'est déjà pas mal ! ▲ ALLEGEANCE : Le Culte des Douze ▲ AVATAR & CREDITS : Avatar : Olga Kurylenko, par Mina-Ligeia. Sign : code Ms.Palmer, gifs tumblr, texte "The Waves Have Come" (Chelsea Wolfe). Thème : Anilah ft. Einar Selvik, "Warrior" / Osi & The Jupiter, Uthuling Hyl.
Mérit libérait ses angoisses en un flot mal distinct, erratique, mais l’essentiel y était. D’abord figée dans son fauteuil et affichant une sincère incompréhension, Harleen s’était sentie happée par la détresse affichée par la jeune blonde et s’était levée, mue par le besoin immédiat de la rassurer. Marchant vers elle d’un pas inexorable d’abord, elle fut freinée brusquement par le sentiment d’envahir un espace qui n’était pas le sien, aggravant peut-être l’impression d’une atmosphère hostile. Marchant sur des œufs, elle s’arrêta à moins d’un mètre. Légèrement penchée vers sa sœur, elle semblait à deux doigt de la toucher, de la prendre dans ses bras, mais une force impalpable l’en empêchait. Son visage pivota légèrement vers les flammes de l’âtre et, d’un coup, tout l’air que contenaient ses poumons expira en un soupir brusque, comme si une main invisible autour de sa gorge venait de lâcher prise. Elle fit quelques pas, se rapprochant du feu sans réellement voir le décor autour d’elle, sans entendre les sanglots de Mérit, perdus dans la multitude de pensées qui s’affrontaient et ricochaient dans son crâne embrumé par l’alcool.
C’est une malédiction. Un danger, pour Mérit et peut-être pour eux tous. La pauvre enfant n’y pouvait rien. Qu’avait-elle fait ? S’était-elle vendue d’une manière ou d’une autre à quelque puissance dont on ignorait tout ? Avait-elle approché de trop près quelque sanctuaire naturel où la magie vous frappait sans crier gare ? Était-elle née ainsi, dans une famille où pas un seul mage n’avait vu le jour depuis un âge oublié ?
C’est un don des Dieux. Ou de quelque esprit sauvage. Fendar avait-il senti quelque chose, lui qui pour une raison non encore connue de la baronne, se faisait un devoir de protéger Mérit comme son propre sang ? Harleen et son entourage s’étaient-ils mépris tout ce temps quant aux intentions du guerrier ? Savait-il des choses au sujet de Mérit, de son mystérieux pouvoir, d’un lien quelconque qu’elle avait avec la magie ? Avait-il observé sa solitude mieux que les propres parents de la jeune dame ?
La peur étreignit Harleen à son tour et elle serra les poings. Mérit si fragile et si méconnue d’elle lui avait toujours paru solitaire et vulnérable, mais jamais autant qu’à cet instant où la menace de l’Ordre des Inquisiteurs pesait si lourdement sur toute la baronnie. Il lui semblait comprendre un peu mieux maintenant la nécessité de ce secret dans lequel se drapait sa petite sœur, si frêle et pourtant si brave – elle s’en rendait compte maintenant. Si courageuse et si terriblement souffrante de par l’interdit qui pesait sur ce qu’elle subissait aujourd’hui, depuis des mois déjà.
L’aînée des Ravran se repassa mentalement le fil des paroles de sa cadette. Celle-ci savait donc tout de ce qu’il s’était passé lorsque la tragédie avait frappé au plus fort de sa mesquinerie. Elle savait tout, mais elle n’avait rien dit. Et pouvait-on l’en blâmer ? C’était à peine si Harleen, tâchant malgré les vapeurs troubles du vin de se souvenir des jours qui avaient suivi, se remémorait quelque occasion lors de laquelle Mérit avait semblé vouloir lui parler. Elle-même s’était laissée emmurer dans un silence brutal, duquel rien ne filtrait ni hors d’elle, ni vers elle. La douleur l’avait emportée aussi sûrement qu’un ersatz de mort, et peut-être son cadavre vivant avait-il été le seul réceptacle d’une confession qu’aujourd’hui elle recevait durement, à défaut d’avoir su la percevoir alors. Que savait vraiment Fendar ? La brune ne parvenait pas à accepter l’idée qu’il fut pleinement au courant du fond de l’histoire, peut-être parce qu’elle n’avait jamais vu cet homme bourru, fier et grande gueule comme capable de garder un secret. Elle voulait croire qu’il aurait ignoré les craintes de Mérit pour en parler, si ce n’est à son amante, au moins au seul à qui il savait pouvoir réellement faire confiance avec un sujet aussi grave. Mais les deux sœurs n’en seraient pas là si Erik avait eu le moindre doute, et Mérit le confirmait en ne mentionnant aucun comportement différent de la part du vénéré père pour qui elle n’avait d’habitude aucune réserve.
Ainsi l’idée fit son chemin dans l’esprit de la baronne qu’elle était la seule, pour l’heure, à pouvoir soutenir la jeune femme, en portant une partie du fardeau avec elle. Un sentiment vertigineux mais qui ne dépassait pas en intensité la culpabilité qu’elle éprouvait, avec le souvenir de toutes ces fois où elle avait contribué à l’isolement de sa sœur, jusqu’à en arriver au point où même au péril de sa vie – car désormais il s’agissait bien de cela, malheureusement – Mérit n’avait pas pu considérer son aînée comme son refuge.
La main de Harleen passa sur son visage pour se presser contre sa bouche, tandis que ses prunelles soudainement embuées rejoignaient la lumière crue dansant dans la cheminée. Elle se rendit compte seulement à cet instant qu’elle avait abandonné Mérit dans le silence depuis plusieurs minutes, lui tournant le dos, incapable de parler. En comparaison de ses habitudes où elle préférait au moins fermer la conversation pour se donner le temps de réfléchir, ou même de tout ce que sa relative ébriété avait poussé hors de ses lèvres un moment auparavant, le contraste devait être d’une rudesse particulièrement angoissante pour sa sœur qui n’avait, en plus, vraiment pas besoin de ça.
Il fallait dire quelque chose. Maintenant. Elle n’avait aucune idée de quoi, mais comme souvent après plusieurs verres, elle ne put s’empêcher d’au moins prononcer les premiers mots qui lui venaient à l’esprit, et, appuyant sa main sur le manteau de la cheminée, c’est sans pouvoir s’en empêcher qu’elle dit simplement d’une voix étranglée :
« Je suis tellement désolée, Mérit. »
Parce que c’était la réponse au dernier constat affligeant qu’elle venait de faire mentalement. Et bien qu’elle n’ait pas pleinement réfléchi cette phrase, qu’elle n’ait pas eu le temps de se demander si c’était la bonne, s’il fallait la formuler autrement, ou comment elle allait être reçue – toutes ces choses qu’elle ne cessait d’apprendre avec plus ou moins de bonne volonté depuis son intronisation en tant que baronne… C’était là une vérité nue, venue du fond du cœur et qui lui nouait le ventre. Baissant le front, elle soupira à nouveau, mais cette fois comme abattue par le poids des remords. Il lui fallut encore quelques secondes pour éclaircir au moins un peu son esprit. Puis, ravalant les larmes naissantes, elle renifla, et se redressa pour aller doucement vers la petite table remplir presque à ras-bord son verre de vin, avant de l’engloutir lentement d’une traite. Elle marqua un léger déséquilibre en le reposant. La terre commençait à être un peu trop basse. Mais elle ne s’imaginait même pas encaisser le tiers de cette conversation sans l’illusion de soutien douce-amère que l’alcool lui apportait, depuis déjà trop longtemps.
« Ça ne change rien. »
Elle restait debout, à moitié de dos, tournant la tête vers sa sœur de manière à se faire entendre, mais pas encore assez pour la voir. Elle n’osait pas encore imposer son regard sur le visage défait de sa petite sœur éplorée.
« À ce que j’ai dit tout à l’heure, au sujet de ta place auprès de moi : ça ne change rien. Enfin, de moi en tant que baronne, tu comprends. Ça ne change pas le fait que je ne peux pas y arriver sans toi. On ne peut pas, en fait. Personne autour de la table du conseil ne peut m’apporter ce que toi tu peux nous apporter à tous. »
Elle avala sa salive, sentant l’étourdissement imposer un poids imaginaire sur ses genoux.
« Et j’dis pas ça parce que… j’ai bu. J’ai bu parce qu’il fallait que j’te l’dise. »
C’était le moment de se rassoir, elle ne pouvait pas ignorer cette inflexible loi de la nature plus longtemps, et obtempéra en essayant de ne pas s’effondrer dans son fauteuil.
« C’est pas digne d’une dame… mais c’est comme ça. » soupira-t-elle d’un air un peu confus, grattant un de ses ongles pour aucune raison valable.
Finalement, elle releva le menton et regarda Mérit, plus ou moins fixement. L’ivresse la tenait presque, mais ce n’était pas la seule raison. Elle n’était pas certaine de la réaction que ses mots auraient, et peut-être ne se sentait-elle pas tout à fait confiante en la manière dont ils se livreraient à sa sœur, et en conséquence, de l’impact qu’ils auraient.
« Je me pose pas mal de questions, maintenant que tu… m’as dit tout ça, mais le bien-fondé de ma proposition n’est pas l'une d'elles. Je comprends – je crois – pourquoi tu as peur de ne pas pouvoir le faire, je comprends que tu puisses penser que… tu pourrais être… dérangée ou carrément empêchée de m’aider à cause de… »
N’arrivant pas vraiment à se persuader que les murs n’avaient pas d’oreilles, et donc de la sécurité totale du secret de Mérit, elle fit un geste de la main pour signifier ce dont elle parlait.
« Mais au contraire, ça pourrait nous aider. On trouvera des moyens, nos relations avec la baronnie Fran par exemple, les liens du baron Edric avec les Cités Collégiales… Ou peut-être les prêtres des Douze, enfin, peu importe mais, Mérit. Viens par là. »
Elle fit signe à sa sœur de s’approcher, avec un drôle de mélange de son autorité naturelle et d’une attitude bien moins protocolaire, plus sororale en fin de compte, le tout fortement mâtiné d’une gaucherie avinée. Elle attendit que la jeune femme soit plus près, car elle voulait que ce soit comme une vraie confidence, et non pas la chimère d’entretien privé ou d’embauche qu’elle avait l’impression d’avoir laissée passer jusque-là.
« Je ne dirai rien si tu veux que ça reste entre nous. Je veux que tu sois soulagée de m’en avoir parlé. Je sais bien que ça paraîtrait plus sérieux si j’avais un peu moins abusé de ça, grogna-t-elle en fronçant les sourcils en direction de la bouteille, mais j’espère que tu me pardonneras. Non seulement ça mais… Tout le reste. Je veux essayer. Vraiment. »
Quelque chose sembla coincé dans sa gorge, elle déglutit et sa main, par réflexe, alla vers son verre, mais elle se souvint de ce qu’elle venait tout juste de dire et la referma sur l’accoudoir d’un air assuré. Je veux vraiment essayer d’être enfin ta sœur, pensait-elle, mais si même éméchée comme elle l’était, elle ne parvenait pas à exprimer cette pensée, ce ne sont pas un nombre quelconque de lampées supplémentaires qui l’y aideraient – ou peut-être que si, mais elle n’était pas assez soule pour oublier que les mots d’une ivrogne n’ont généralement aucun crédit auprès des personnes sobres. Or, elle voulait que Mérit la croie.
« Je veux… être là pour toi, c’est mon rôle. Je sais que j’ai plus ou moins complètement saboté mon rôle de sœur dès le départ, mais si je ne peux pas réparer ça, au moins pour être une bonne baronne, tu vois ? Je dois être là pour toi comme pour tous les autres, surtout ceux qui comme toi ne peuvent pas être en paix dans ce foutu royaume, à cause de cette différence, ou de leur héritage religieux, ou parce qu’ils ne sont pas d’accord avec tout ça... Nous, les Ravran, nous devons nous battre pour ces gens. Je dois vous protéger. Laisse-moi te protéger. »
Elle prononça ces derniers mots en posant finalement ses yeux dans ceux de sa sœur, et dans ses globes légèrement humides se lisait tant une promesse qu’une prière. Elle tendit une main vers Mérit, dans l’espoir que celle-ci l’accepte.
« Il y a tellement de raisons légitimes d’avoir peur de nos ennemis. On ne peut plus avoir peur l’une de l’autre. »
outes les deux face à la cheminée, Mérit se reprenait doucement, essuyant les dernières larmes sur ses joues. Emmitouflée dans son gilet en laine, les yeux et les joues rougies par les pleurs, la jeune Ravran n’osait plus bouger, attendant les paroles de son aînée. Elle craignait le pire. Ne voyait que du négatif, persuadée qu’elle allait être encore plus reniée et repoussée maintenant. Elle venait de détruire sa lueur d’espoir en quelques secondes. Malgré ses pensées négatives et son angoisse crescendo à mesure que le silence se prolongeait dans la pièce, Mérit ne regrettait pas de s’être confiée, d’avoir enfin avoué la vérité à sa sœur. Elle ne pouvait plus garder ce secret plus longtemps seule. Pourquoi l’avoir dit à Harleen plutôt qu’à Erik leur père ? Probablement parce que depuis petite, Mérit avait toujours profondément espéré nouer des liens entre sœurs et ce malgré les années de rejet. Et Harleen ne venait-elle de lui offrir cette opportunité ? Une opportunité qu’elle venait de voler en éclats jusqu’à qu’Harleen brise le silence.
Harleen s’excusait. Ce n’était pas la réaction à laquelle la jeune femme s’était attendue. Osant relever le menton pour voir le visage de sa sœur, elle ne vit pas de larmes, mais un reniflement était tout comme. Avait-elle broyé du noir trop vite ? Harleen était touchée, se sentant peut-être bien coupable. Elle ne semblait pas le moins du monde lui en vouloir ou la rejeter. Mérit ne décelait aucune once de colère de la part d’Harleen non plus. Rapidement, elle fit face au dos de cette dernière. Cela ne la dérangea pas. Harleen avait tout autant besoin de temps pour s’exprimer qu’elle-même en avait eu besoin pour se confier. Si elles voulaient réussir à construire quelque chose, à travailler ensemble et à se rapprocher, il allait falloir y aller en douceur et apprendre à se faire confiance. Cela commençait par laisser le temps à l’autre de s’exprimer et d’écouter d’une oreille attentive et compréhensive. Elles en avaient toutes les deux besoin.
Mérit écouta donc les paroles de son aînée, lui réaffirmant que rien ne changeait sur ce qu’elle venait de dire. Mérit n’avait donc pas détruit la chance qu’on leur accordait pour se rapprocher. Elle trouva même qu’Harleen lui accordait trop de valeur dans ses propos. Une première pour toutes les deux, ce qui ranima l’émotion, mais cette fois-ci la guérisseuse retint la boule dans sa gorge, ne voulant pas couper Harleen dans son élan. En revanche, elle ne put retenir le sourire qui se dessina sur son visage lorsque la baronne fit référence à la boisson. Ça n’avait jamais dérangé Mérit à vrai dire, pour la simple et bonne raison que malgré la distance qu’il y avait entre elles, elles avaient grandit ensemble et Mérit savait bien que cette dangereuse et exquise liqueur était une aide plutôt qu’à poids en ce moment même. Un coup de pouce en quelque sorte. Puis dans leur région, on savait gérer l’alcool.
Donc, lorsque la baronne lui demanda d’approcher, Mérit n’hésita pas une seconde, émue, même si elle se demandait s’il n’était pas dangereux pour elles de demander de l’aide. Elles verraient en temps et en heure, tout en restant le plus discret possible, car en les temps qui cours, c’était une question de survie que le moins de personne possible apprenne son Don. Ce fut donc naturellement que Mérit lui affirma par un signe de tête qu’elle souhaitait qu’Harleen garde secret ce point et qu’elles verraient quoi faire ensemble plus tard. Probablement après qu’elle en parle à leur père, le plus difficile étant fait, elle pouvait enfin le lui dire même si elle était tiraillée aussi, car elle ne voulait pas inquiéter son père avec un autre souci. Mais elle y songerait plus tard, car la confidence d’Harleen toucha le cœur de la petite Clochette des bois.
« Je veux… être là pour toi, c’est mon rôle. Je sais que j’ai plus ou moins complètement saboté mon rôle de sœur dès le départ, mais si je ne peux pas réparer ça, au moins pour être une bonne baronne, tu vois ? Je dois être là pour toi comme pour tous les autres, surtout ceux qui comme toi ne peuvent pas être en paix dans ce foutu royaume, à cause de cette différence, ou de leur héritage religieux, ou parce qu’ils ne sont pas d’accord avec tout ça... Nous, les Ravran, nous devons nous battre pour ces gens. Je dois vous protéger. Laisse-moi te protéger. Il y a tellement de raisons légitimes d’avoir peur de nos ennemis. On ne peut plus avoir peur l’une de l’autre. »
L’émotion était bien présente et pas que dans les yeux de Mérit. Sans ces mots, sans son regard, Mérit aurait tout de même tout de suite compris qu’Harleen n’avait jamais été aussi sincère que maintenant. Un cri, un souhait du cœur. Une volonté sans faille. Elle en était persuadée et Mérit en fut convaincue. Alors qu’Harleen lui tendait sa main comme pour conclure un accord, leur discussion ainsi que leur rapprochement, Mérit ne la prit pas. Ce fut, les yeux de nouveaux inondés de larmes avec un sourire qu’elle n’avait pas esquissé depuis bien longtemps que Mérit passa ses bras autour de la taille de sa sœur et, sans prévenir, sans lui laisser le temps de réagir –faut dire qu’elle était moins rapide grâce au vin-, Mérit enlaça Harleen dans ses bras. Une étreinte sincère, intime, pleine d’émotions et tout aussi étrange et perturbante que cette nouvelle relation qu’elles commençaient à construire dès à présent. C'était sa façon à elle de conclure l'accord, entre soeurs.
« Merci… Grande-sœur. »
Etrange, mais agréable comme sensation. Mérit ignorait si elle était prête pour ce rôle. Elle manquait cruellement de confiance en elle aussi, mais elle acceptait et ferrait de son mieux. Pour elles. Pour la famille. Pour leur Baronnie et leur peuple.
« A deux on est plus fortes », susurra-t-elle à l’oreille d’Harleen avant de rompre son étreinte et de reculer, laissant ainsi sa sœur respirer. Elle se doutait bien qu’elle venait peut-être bien de la troubler pour un bon bout de temps, elle-même n’était plus habituée au touché et pourtant Mérit souriait. Elle était contente. Pas encore heureuse, il faut dire qu’elles en traînaient des bagages derrière elle, mais ce nouveau départ allait leur permettre d’aller de l’avant. Ce ne sera pas simple, pas sans embûches et sans disputes. Mérit en avait conscience et étonnement ce n’est pas ce qu’elle redoutait. Sa relation conflictuelle et quasi-inexistante avec sa sœur avait ces avantages : elles connaissaient toutes les deux leurs défauts, le pire de l’une et de l’autre. Elles savaient comment elles réagissaient dans les moments difficiles. C’était le simple de la vie, le quotidien et les bons côtés qu’elles allaient devoir découvrir et apprendre à gérer ensemble. Après cet inattendu câlin, Mérit attrapa le verre de vin d’Harleen, le lui tendit, alla chercher le sien, puis choqua légèrement celui-ci contre celui de sa sœur.
« Pour nous. Pour la famille. Pour notre maison, la Baronnie. Aux nouveaux départs. »