Malgré l’hiver rude, Mérit bravait le froid glacial après s’être préalablement bien couverte de vêtements chauds. Elle ne pouvait pas se permettre de tomber malade, pas maintenant alors qu’elle avait recueillit il y a quelques jours un blessé. Un jeune homme de son âge prénommé Edwyn. En soignant ses blessures, elle avait eu le temps de discuter avec lui. Il était un mage poursuivit par les inquisiteurs. S’ils le trouvaient, ils le tueraient. Mérit avait l’impression qu’ils ne savaient faire que ça. Cependant, elle ne pouvait s'attarder à ces pensées, car la santé d’Edwyn s'était aggravé cette nuit à cause d’une poussé de fièvre. Mérit arpenta la forêt à la recherche des dernières achillée-millefeuille pour en faire une infusion.

Après un bon quart d’heure de marche, Mérit réussit à en trouver près de son ancien domicile dans la forêt. La guérisseuse avait changé d’habitation dans la forêt en prévision de l’hiver, ne souhaitant pas vivre sous un petit amas de bois. Elle connaissait que trop bien la sévérité de l’hiver dans la région. Elle ne voulait pas prendre ce risque, on avait trop besoin des soins des guérisseurs dans ces temps ardus. Au final, elle avait fait le bon choix puisqu’elle pouvait soigner, héberger et garder au chaud des personnes dans le besoin comme Edwyn. Par contre, il fallait qu’elle rentre vite dans sa nouvelle petite maison en bois, car Edwyn y était seul et sans défense, malgré que la maison soit bien cachée grâce à la neige et les hauts sapins. S’empressant de cueillir ces plantes dissimulées par la neige, Mérit ne remarqua pas qu’elle n’était plus seule.

« Hum, bonjour ! Je viens en paix, ne vous inquiétez pas, je m'appelle Ciryial, je suis là pour vous aider. »

Prise par surprise, Mérit prit Courage accrochée à sa ceinture et se retourna en sursaut en tenant fermement le poignard que son père lui avait offert. De son autre main, Mérit rangea les achillée-millefeuille dans le petit panier qu’elle protégeait. Malgré la présentation de la jeune femme qui se tenait devant elle, Mérit ne bougea pas d’un pouce, très prudente et méfiante. Ce n’était pas parce qu’elle avait une femme face à elle qu’elle ne devait pas se méfier. Ce n’était pas elle qui penserait une telle chose ! Même si elle ne se souvenait pas avoir ni entendu ni vue des femmes parmi les Inquisiteurs. Edwyn ne lui en avait pas parlé non plus. Mais tout était possible. L’Ordre des Inquisiteurs était grand et il était bien probable que des femmes en fassent partie. Peu importait qui était cette Ciryial, comme elle disait se faire appeler (rien ne lui affirmait qu’il s’agissait de la vérité), Mérit ne pouvait se permettre de baisser sa garde. La vie d’une personne en dépendait peut-être.

« Pour m’aider ? Je ne vous connais pas, mais je n’en ai pas besoin pour savoir que vous n’êtes pas de Thornewood et encore moins de Ravran. En plus, en cette saison peu d’étrangers viennent sur nos terres… Encore moins s'aventurent dans cette forêt. Qui êtes-vous exactement ? Que voulez-vous ? »

Mérit était curieuse de savoir qui et en quoi elle était venue aider. Etait-ce un subterfuge que les inquisiteurs utilisaient pour attirer les personnes qu’ils pourchassaient ? En leur faisant croire qu’ils venaient les aider ? Se rappelant des paroles d’Edwyn sur son récent vécu, la main droite de Mérit serra un peu plus le manche de son poignard tandis qu’elle attrapait discrètement son panier de sa main libre. La cadette de la Maison Ravran était pacifiste, mais elle savait se défendre au besoin. Elle n’aimait pas faire couler le sang, s’en était presque une phobie. En revanche, elle pouvait très bien faire semblant d’attaquer dans une toute autre intention : pousser l’inconnue pour la faire tomber, tandis qu’elle, elle courrait à tout allure pour lui échapper et se mettre à l’abri. Tout en y réfléchissant, Mérit ne quittait pas des yeux l’étrangère.

Mérit écouta attentivement la réponse de son interlocutrice, ne manquant pas un seul de ces gestes ou regards, révélateurs de beaucoup d’informations. Ces derniers ne montraient pas une once d’inquiétude, de méchanceté ou de danger. Elle inspirait le calme et tenait à bien lui expliquer les choses. Son discours et son ton de voix convainquirent la jeune blonde qui finit par baisser son arme pour ensuite la ranger à sa ceinture, ne se doutant toujours pas qu'elle avait affaire à plus qu'une mage.

Alors comme ça sa surprenante visiteuse se prénommait bien Ciryial –Mérit fut incapable de retenir son nom de famille aux sonorités peu habituelles et complexes pour elle-, et n’était autre qu’une mage. Ce qui expliquait sa présence ici puisqu’en effet il y avait bien eu de la magie dans les parages. Edwin. Mérit ne pouvait s’attarder bien longtemps avec la mage, mais devait-elle la guider vers Edwin ? Il lui avait bien dit ne pouvoir faire confiance à personne, puis dans l’état où il était actuellement… Elle préférait garder le secret du lieu où il se trouvait, le temps qu’il récupère de ses blessures. Après, à lui de décider ce qu’il voudrait faire, elle ne choisirait pas à sa place. Pour le moment, elle allait tenir parole et restait silencieuse à ce sujet.

« Est-ce que nous pouvons trouver un endroit un peu plus au calme afin de continuer notre conversation ? Ou bien préférez-vous que je vous montre, que moi aussi je peux faire de la magie ? Regardez, je ne suis pas armée. »

« Ce ne sera pas nécessaire. Je vous crois, mais je préfère qu’on reste ici pour discuter. »

Mérit récupéra son panier de pantes et s’approcha de deux troncs d’arbre morts pouvant servir de banc. D’un geste, elle retira la neige dessus et proposa un des troncs à Ciryial pour s’asseoir. Elle s’installa à son tour face à elle. Mérit aurait bien proposé de faire un feu, mais ici le bois était complètement trempée par la neige, le feu ne prendrait jamais. Inutile de dépenser ses forces, puis elle ne souhaitait pas éterniser la discussion.

« Je m’appelle Mérit Ravran. Veuillez m’excuser de vous avoir menacer, mais on n’est jamais trop prudent dans la forêt en hiver lorsqu’on croise des étrangers. Je n’ai pas beaucoup de temps à vous accorder, car j’ai un malade qui attend mes soins. » Elle montra ses plantes dans son panier déposé à ses pieds. « Vous avez donc fait tout ce chemin à cause d’une concentration de magie importante? J’ignorais que la magie pouvait porter si loin… »

La sienne aussi ? Mérit ne put s’empêcher d’y penser et dissimula ses mains sous son manteau. Mérit n’allait pas lui mentir, même si elle savait très bien le faire, elle ignorait si la mage avait les capacités de percevoir si elle mentait ou non. Par contre, elle ne lui dirait pas tout. Même si la mage enquêtait et questionnait les chasseurs, Mérit savait que ces derniers garderaient le secret sous sa demande.

« Si ça peut vous aider, il y a un jeune homme qui est passé par ici il y a quelques jours. C’est peut-être la personne que vous recherchez. »

« Ah oui ? Et vous lui avez parlé ? Est-ce lui dont vous vous occupez ? Je peux surement l'aider s'il est blessé. Laissez-moi vous aider.  »

Oui. Oui. Et non. Mérit ne dérogerait pas à sa règle et le jeune homme lui avait expressément demandé de ne pas révéler sa présence. Elle le lui avait promis. Son état demandait du repos et non pas être dérangé ou anxieux, de peur que ces poursuivants puissent le retrouver à tout moment. Malgré qu’elle ne veuille pas être mêlée à des problèmes et malgré le fait que cette mage face à elle semble inspirer confiance, Mérit ne peut se permettre de prendre le risque et de briser sa promesse. Edwin lui avait accordé sa confiance, ce ne serait pas elle qui lui ferrait défaut. Ciryial allait devoir se débrouiller autrement ou peut-être attendre qu'Edwin aille mieux et quitte la région. Qui sait. Donc, tout naturellement et comme s’il s’agissait de la vérité, Mérit mentit à Ciryial, persuadée de faire le bon choix.

« Je doute fort qu’un vieux bûcheron boiteux soit celui que vous recherchez. On ne peut pas vraiment dire que j’ai parlé avec lui. Ici, il est plus prudent de ne pas trop s’arrêter à discuter avec les étrangers. Ce jeune homme m’a juste demandé le chemin pour rejoindre la ville la plus proche. Je l’ai orienté vers Greythorne. »

Voilà. Mérit n’en dirait pas plus. En espérant, que cela suffirait à la mage. Elle resterait sur sa position : celle d’avoir croisé un jeune homme encapuchonnée dont elle se souvient à peine le physique à part qu’il avait probablement une tête de plus qu’elle. Ne pas en dire ni trop ni moins, car elle était supposée être resté avec à peine quelques minutes et non pas des heures et des jours comme c’était en réalité le cas. Cependant, Mérit ne pouvait pas non plus dire à Ciryial de se dirigeait maintenant vers Greythorne et de partir avec son panier, cela paraîtrait trop précipitée comme si elle voulait se débarrassée d’elle. Ce n’était pas le sentiment voulu, surtout qu’elle venait d’accepter de lui accorder un peu de son temps. Puis, elle n’avait rien à se reprocher puisque qu’elle était en accord avec elle-même, elle faisait le bon choix pour Edwin. Du coup, en attendant la réponse de la magie, Mérit fit mine de compter mentalement les plantes dans son panier comme pour vérifier qu’elle avait tout le nécessaire pour le "vieil homme".

Avait-elle était convaincante ? La magicienne la croyait-elle ? Mérit n’en était pas certaine, puis elle ne connaissait pas grand-chose de la personne qui se tenait face à elle. Ça se trouve sa magie lui permettait de déceler le vrai du faux ou de lire dans les pensées. Non peut-être pas, sinon elle aurait déjà couru jusqu’à chez elle pour rejoindre Edwin. Mérit préférait donc continuer ainsi, conforme à son choix et à la promesse qu’elle avait faite au jeune homme.

Puis, contre toute attente pour Mérit, Ciryial la questionna sur sa cueillette. Elle laissa échapper son étonnement. Que pouvait bien lui faire sa cueillette ? Il est vrai que Mérit avait entendu dire que les magiciens utilisaient parfois leur environnement, mais elle en connaissait trop peu pour savoir à quel point et si c’était vraiment pour des fins médicinales. Méfiante et préférant s’occuper elle-même de ses affaires et de ses malades –surtout le dernier dont elle s’occupe-, Mérit lui montra quand même les plantes récoltées, mais sans lâcher une seconde son panier et sans laisser la possibilité à Ciryial de pouvoir piocher dedans.

« Il s’agit essentiellement d’achillée-millefeuille pour faire une infusion. La quantité devrait être suffisante pour diminuer la fièvre. »

D’ailleurs, elle devrait peut-être y aller. Même si les chasseurs étaient de son côté et qu’ils gardaient toujours un œil à sa maisonnée, Mérit s’inquiétait pour Edwin. Il était fiévreux et seul chez elle. S’il se réveillait ou que la fièvre augmentait d’avantage, personne n’était présent pour s’occuper et veillait sur lui. Elle ne pouvait se permettre de le faire patienter plus longtemps. Tenant toujours fermement son panier dans ses mains, Mérit se leva, bien décidée à rentrer et prendre soin de son malade.

« Je devrais y aller. Ce n’est pas raisonnable et digne d’une guérisseuse de faire patienter un malade. J’espère seulement que son état ne s’est pas trop aggravé. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous aider d’avantage. »

A la suite d’un léger signe de tête, Mérit désigna du bout des doigts le chemin menant à Greythorne, celui-là même qu’elle avait soi-disant montrer au jeune homme que la magicienne recherchait.